LE POINT, 2 février 2011
Le patron du Parti radical propose une nouvelle méthode de travail pour mettre sur pied une confédération centriste en vue de 2012.
Dans la famille centriste, l'entraide n'est pas un vain mot. Fort préoccupé par les querelles internes au Nouveau Centre (NC), Jean-Louis Borloo - numéro un du Parti radical - a décidé d'agir. Le 29 janvier, l'ancien ministre de l'Écologie a envoyé un courrier à Hervé Morin afin de lui proposer de sortir de la crise par le haut. En effet, en lançant, la semaine dernière, une confédération centriste avec Jean Arthuis, le président du NC a déclenché un vent de colère parmi ses troupes, qui ont dénoncé une initiative précipitée et guidée par l'ambition personnelle.
Dans sa missive - que Le Point.fr a pu consulter -, Jean-Louis Borloo réaffirme sa "volonté de construire une force politique nouvelle et centrale", à savoir une confédération centriste. Il propose ainsi de mettre en place un groupe de travail commun en vue de plancher sur les statuts du futur mouvement, sur une charte des valeurs et sur les premiers éléments du programme pour la présidentielle de 2012. Une offre qui correspond peu ou prou à la motion votée par le Parti radical le 19 janvier dernier.
Retour au calme
Dans sa lettre, le patron du parti valoisien propose aussi trois mots d'ordre comme méthode de travail : "transparence, collégialité et confiance". La première réunion du groupe de travail est prévue le 15 février, en présence de représentants du NC, de la Gauche moderne, de l'Alliance centriste de Jean Arthuis et des écologistes indépendants. "On a vraiment tout fait pour calmer les turbulences au NC", commente mercredi un proche de Jean-Louis Borloo.
En faisant cette offre, les radicaux valoisiens ont visé juste. En effet, beaucoup de membres du Nouveau Centre - tels que Jean-Christophe Lagarde, François Sauvadet, Valérie Létard - jugeaient illogique de commencer la confédération avec l'Alliance centriste, une "petite" formation, en mettant de côté le Parti radical. Cette "incohérence" réparée, le comité exécutif du NC a donné son feu vert mercredi matin pour que le parti s'engage dans la voie d'une confédération. "Cela correspond à ce qui avait été voté lors du conseil national du 29 janvier. On est sorti par le haut", se réjouit Jean-Christophe Lagarde, numéro deux du NC. "Les divergences se sont transformées en convergences", résume Philippe Vigier, porte-parole du parti. En attendant, le démineur Jean-Louis Borloo, qui se pose en éventuel candidat pour 2012, a marqué des points.
VALEURS ACTUELLES, 3 février 2011
Morin-Borloo : le "mec normal" contre l'atypique
Le discret Hervé Morin rêve de disputer l’électorat centriste à Bayrou, et peut-être à Villepin, en 2012. Mais son principal adversaire, pour l’heure, est l’iconoclaste Jean-Louis Borloo. De plus en plus tenté, lui aussi, par la présidentielle…
Il a acheté son sandwich au jambon et sa petite bouteille d’eau en faisant la queue, comme tout le monde, au snack de la gare Montparnasse. Dans le train, son interlocuteur n’étant pas dans le même wagon, il s’est assis durant tout le voyage sur un strapontin de 2e classe, à côté du casier à bagages. Lorsque le contrôleur est passé, ayant oublié son billet dans la poche de son blouson, il est allé le chercher pour le faire composter. Anonyme parmi les anonymes, à peine reconnu, jamais salué, Hervé Morin veut croire que cette discrétion – cette « inexistence », raillent ses adversaires – peut être un atout : « En 2012, je pense que les Français seront en quête d’un mec normal », dit-il. Mais pas facile pour un “mec normal” d’imposer sa candidature face aux trois “poids lourds” lorgnant, eux aussi, le même électorat centriste du premier tour : François Bayrou, Dominique de Villepin et Jean-Louis Borloo !
Pas un journaliste, ayant voyagé avec ces trois-là, qui ne puisse témoigner des regards appuyés – amicaux ou désapprobateurs –, des demandes de photo ou de poignées de main suscités par eux. Morin, lui, ne sera pas une fois dérangé durant les deux heures du trajet aller-retour Paris-Le Mans qu’il effectue, ce jour-là, pour aller visiter deux entreprises. Près d’un quart des Français, selon l’Ifop, affirme ne pas le connaître. On lui en fait la remarque. « Lors de la présidentielle de 1965, Jean Lecanuet était crédité de 1 % seulement face à de Gaulle ; ça ne l’a pas empêché de finir à plus de 15 %, répond-il. Je sais bien que j’ai un déficit de notoriété et qu’il serait un peu ridicule, aujourd’hui, d’afficher de trop hautes ambitions, mais la campagne permettra de rebattre les cartes. »
Sur la candidature, ou non, de Bayrou et Villepin, Morin n’a pas prise. Il juge « quasi certaine » celle du président du MoDem – considéré par les Français comme celui qui “porte le mieux les valeurs du centre” (41% contre 17 % pour Morin, selon l’Ifop). « Même si sa maison était complètement en ruine, il serait quand même candidat », lâche-til au sujet de son ex-mentor, qu’il a quitté pour fonder le Nouveau Centre entre les deux tours de la présidentielle de 2007. Tout au plus Morin prédit-il que « le soufflé des 17 % de sa dernière présidentielle ne se reproduira pas ». « Il a déboussolé ses électeurs », affirme-t-il. Concernant l’ancien premier ministre de Jacques Chirac, il ne croit guère à ses velléités de se présenter : « Si Villepin y va, ce sera pour faire perdre Sarkozy, mais il n’ira pas, il n’en a pas vraiment envie. »
Morin : “s’il est mieux placé que moi, je me retirerai”
Reste l’inconnu Borloo. L’atypique. Aussi original que lui est « normal ». Le président du Nouveau Centre veut croire, là encore, à un manque de motivation du président du Parti radical : « Au fond de lui, ce que veut Borloo, c’est être premier ministre avant ou après la réélection de Sarkozy, ce n’est pas être candidat à la présidentielle. » Il doit cependant le constater : l’ancien ministre de l’Écologie, discret depuis son départ du gouvernement, n’en finit plus de donner des signes d’une ambition nouvelle. Jusqu’à quasiment se déclarer, le 28 janvier, à Valenciennes, lors de ses voeux : « Je m’intéresse, sur le modèle valenciennois, à un projet de redressement pour la France, a-t-il lancé sous les vivats des 1 300 personnes présentes. Quelle que soit ma décision, je la prendrai ici et je l’annoncerai ici ! »
Crédité de 4 à 6 % des voix dans les sondages, Borloo fait (presque) jeu égal avec Bayrou. Devance de peu Villepin. Mais surclasse largement Morin (1 à 2 % des intentions de vote)… Comment ce dernier pourrait-il espérer renverser la tendance d’ici à la fin 2011, si le bouillonnant ancien numéro deux du gouvernement décide de se présenter ? Selon Jérôme Fourquet, directeur adjoint du département opinion de l’Ifop, « Borloo dispose d’une large avance, tant en termes de notoriété que d’image. Il pointe à la quatrième position du classement des personnalités politiques préférées des Français de Paris Match, tandis que Morin suit vingtdeux rangs derrière ». Or, l’un et l’autre en ont secrètement convenu lors de leurs deux déjeuners en tête à tête ayant suivi le remaniement : il n’y aura qu’un seul candidat de centre droit en 2012. Le moment venu, le meilleur s’imposera. L’autre devra s’effacer. « Si quelqu’un était mieux placé que moi, je me retirerai », confirme Morin à Valeurs actuelles. « Il est évident que si Borloo, pour une raison ou pour une autre, dévissait, et que cela profite à Morin, c’est lui qui serait candidat », concède-t-on au Parti radical. Mais pour aussitôt préciser : « Simple hypothèse d’école, bien sûr. »
Car Borloo, outre sa popularité, peut aussi compter sur des troupes plus nombreuses et plus soudées. Jusque dans les rangs des radicaux de gauche et du… Nouveau Centre ! Jean-Christophe Lagarde, numéro deux du mouvement, et Maurice Leroy, le nouveau secrétaire d’État à la Ville, n’ont pas hésité à s’afficher aux voeux de Borloo.
De son côté, l’annonce, par Morin, de la création d’une “confédération du centre” censée le propulser dans la course élyséenne, a été l’objet d’un violent tir de barrage de la part de Lagarde : « sa démarche solitaire laisse tout le monde pantois », peste-t-il dans le Parisien. Ajoutant à l’adresse de son (pourtant) chef de parti : « La question est : veut-on en 2012 une candidature centriste étriquée, terminant sur un score de 3e ou 4e division ou un candidat jouant pour la 1re division ? […] Moi, je ne suis pas atteint de “coubertinisme présidentiel”, consistant à penser que l’essentiel, c’est de participer. » Président du groupe Nouveau Centre à l’Assemblée nationale, François Sauvadet, en privé, ne dit pas autre chose. « Morin ne tient pas ses élus, résume un député UMP. S’ils lui préfèrent Borloo, ou s’ils veulent soutenir Sarkozy dès le premier tour, ils le débrancheront. »
Face à cette levée de boucliers chez ses propres “amis”, Morin tempère : « Lagarde veut être ministre et Leroy conserver son poste, dit-il. Et puis je me souviens encore de Leroy quand il prédisait 3 % à Bayrou en 2007 ! Quant aux députés, je les connais, j’ai été leur président de groupe : si ça marche, ils me rejoindront. » Le “candidat à la candidature” n’en doit pas moins rattraper son retard dans l’opinion. Pour le combler, il compte sur sa « crédibilité » et sa « détermination ». Crédibilité, parce que, contrairement à Borloo “associé” à l’UMP, lui n’est pas « inféodé » aux sarkozystes. « Comment peut-on être candidat contre Sarkozy tout en étant membre du parti de Sarkozy ? » interroge-t-il. Mais, là encore, Borloo est en passe de franchir le Rubicon : « lors du congrès du Parti radical du 15 mai, il annoncera le départ du parti de l’UMP », annonce l’un de ses proches. « Pour lui, c’est la bonne décision, affirme Jérôme Fourquet, de l’Ifop. Plus il s’éloignera de Sarkozy, plus il sera crédible au premier tour auprès des électeurs du centre. Avant son départ du gouvernement, il plafonnait à 3 % d’intentions de vote ; depuis, il a doublé son score. »
Reste l’atout maître du jeu de Morin : sa « détermination ». Sans faille. « Borloo ne sera candidat qu’avec l’aval de Sarkozy, Hervé, lui, est décidé à l’être quoi qu’il arrive », témoigne un proche de l’ancien ministre de la Défense. Voilà des mois que celui-ci mène, comme il le dit, une « campagne à la Chirac de 1995 » : rencontres, carnet de notes en main, avec des associations, des chefs d’entreprise, maraudes avec le Samu social… Accompagné du président de l’association Parrainer la croissance, il a rendez-vous au Mans, aujourd’hui, avec les dirigeants d’une chapellerie et de la société de services à la personne O2. Il sera demain à Grasse, puis à Nice, où son ami Rudy Salles a rassemblé 2 000 personnes. Il animera ensuite une table ronde à la faculté de droit d’Amiens. Puis rencontrera jeudi à Paris les responsables du Bus des femmes, venant en aide aux prostituées… « Vous croyez qu’il aurait volontairement renoncé à son ministère, où il a mené sans encombre la difficile réforme de la carte militaire, s’il n’était pas décidé à aller jusqu’au bout ? », relève l’un de ses fidèles.
Gare à DSK, aspirateur de voix centristes !
Morin lui-même se souvient de sa première élection comme député, en 1998 : « Ladislas Poniatowski, qui venait d’être élu au Sénat, m’a proposé de lui succéder dans sa circonscription de Haute-Normandie. J’étais totalement inconnu et tout le monde me donnait battu. Quinze jours avant le scrutin, l’institut BVA me prédisait une défaite par 46 % contre 54 à mon adversaire socialiste. Mais j’ai bossé dix-huit heures par jour, en tenant notamment 176 réunions dans les 176 communes de la circonscription et j’ai gagné avec presque 60 % des voix ! »
Cette fois encore, Morin espère créer la « surprise ». Lui seul, pense-t-il, est assez « libre » au centre droit pour défier Sarkozy. Ce qu’il n’a pas hésité à faire, le 22 décembre, lors du conseil national du Nouveau Centre, où il a déclenché des sifflets parmi ses amis : « On ne peut pas le dimanche pointer du doigt les fonctionnaires et leur statut et le lundi défendre le service public, a-t-il lancé. On ne peut pas le dimanche condamner les 35 heures et le lundi appeler au dialogue social avec les syndicats. On ne peut pas le dimanche saluer la libération d’Aung San Suu Kyi et le lundi proposer à Ben Ali notre aide pour former sa police. On ne peut pas le dimanche vouloir imposer les plus-values des ventes de résidence principale et le lundi vouloir une France de propriétaires. »
La vocation du centre, a-t-il encore ajouté, n’est pas de « cirer le banc de touche » à la présidentielle, mais de « peser sur le débat » en présentant un candidat – lui-même. Mais à la différence de Borloo l’iconoclaste, qui rêve d’un «modèle de société stratégiquement différent avec un véritable changement de cap global », Morin, bien que plus « libéral » et faisant de la réduction des déficits l’une de ses priorités, peine à incarner une véritable alternative à droite.
Circonstance aggravante : Sarkozy, qu’il vient de rencontrer en tête à tête, est vent debout contre sa candidature, alors qu’il commence… à trouver des avantages à celle de Borloo : « Au premier tour, Morin ne prendrait des voix qu’à droite, donc à Sarkozy, résume un député UMP, alors que Jean-Louis engrange aussi à gauche et chez les écologistes. Il pourrait donc gêner le candidat socialiste, tout en servant de réservoir des voix au second tour. »
À moins que Dominique Strauss-Kahn soit candidat… Tous les sondages le démontrent en effet : l’hypothèse DSK risque de tuer dans l’oeuf une candidature Borloo – qu’il fait régresser de 6 à 3 % dans les sondages. Peu de chances, dans ces conditions, espère-ton chez Morin, que l’ex-ministre de l’Écologie aille jusqu’au bout de sa candidature. Dans ce cas, la place de candidat du centre droit serait libre ! Reposant sur le forfait de Borloo, la “chance” de Morin ne dépend donc, pour l’essentiel, pas de lui-même – mais du choix de son concurrent. Pour le discret président du Nouveau Centre, la fenêtre de tir est étroite. Mais elle existe. La preuve : celui-ci vient discrètement de contracter un emprunt bancaire pour sa campagne présidentielle. Arnaud Folch
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